Henri Dès.

Publié le par Raimbourg Frantz-Minh

A l’occasion de ses cinquante ans de carrière et de la sortie d’un double album collector illustré par Gérard Lo Monaco, nous ouvrons nos colonnes à un «monument» de la chanson jeune public.
Henri Dès.
Deux cent chansons, 4.5 millions d’albums vendus, une centaine de fois l’Olympia, quinze disques d’or, une entrée dans le Larousse 2012, une web radio qui passe ses chansons 24 heures sur 24, des chansons traduites dans plusieurs langues et de nombreuses écoles, crèches, centres de loisirs et salles de musique qui portent son nom...
Un succès phénoménal qui s'explique par un professionnalisme et un niveau d'exigence maximum autant sur disque que sur scène, mais aussi par le simple fait que ses chansons sont de véritables petits bijoux, «un parfait exemple d'équilibre de simplicité, de pudeur, d'émotion et de vérité».
Photo: Philippe Mory.

Photo: Philippe Mory.

Quand avez-vous commencé à faire de la musique ?
Il y a d'abord eu les influences familiales : mon grand-père jouait du tuba, ma mère du piano et mon père de la clarinette.
Je suis Suisse et dans mon pays on aborde la musique populaire d'une façon assez différente d'ici. Chez nous, il y a une culture musicale amateur très forte et il y a des chorales et des ensembles instrumentaux partout.
Au collège, j'étais pendant deux ans aux Fifres et tambours, puis j'ai joué du bugle dans une fanfare. J'ai aussi beaucoup appris grâce à un professeur qui avait monté une petite école de chanteurs. Petit à petit, il m'a semblé évident que je continuerai dans cette voie.
Pendant cette période, il y a deux artistes que j'ai écouté en particulier : Elvis Presley et Georges Brassens. Ce dernier était comme un père dont je buvais les paroles dès que je pouvais l'entendre ou le lire ! J'adore aussi Bobby Lapointe, il fait partie des artistes qui m'ont nourri.
Aviez-vous la volonté de devenir chanteur en quittant votre pays pour venir vous installer à Paris ?
Oui, mais je ne savais pas très bien où j'allais, c'était le flou total, je n'avais pas de plan de carrière. C'était une forme d'insouciance.
Sans la présence de ma femme, je ne sais pas si j'aurai pu continuer. Elle est la base, le noyau, un soutien formidable même quand nous habitions dans un 9 mètres carré dans des conditions assez épouvantables. J'ai chanté dans la rue, dans des cabarets, c'était un apprentissage, chaque moment me permettant d'avancer un petit peu.
J'ai fait un premier Olympia en 1966: deux chansons en «lever de torchon» mais cela n'a pas eu d'incidence sur la suite de ma carrière. Cela a commencé vraiment à bouger quand j'ai commencé à écrire mes premières chansons pour enfants.

LES MOTS DU FILS : PIERRICK DESTRAZ

En écrivant une biographie drôle et émouvante sur son père, Pierrick Destraz nous offrait un portrait plein de surprises sur un chanteur au parcours pas banal et à la carrière au bout du compte impressionnante.

 

Je voulais écrire ce livre pour les cinquante ans de mon père. Je n'étais peut-être pas assez mûr et finalement, cela s'est fait 17 ans après.
J'ai gardé des témoignages d'époque de sa famille et de son entourage, mes parents ont recherché des anecdotes dans leurs journaux intimes, et l'ensemble m'a donné une bonne base pour l'écriture de l'ouvrage.
Pendant la période de création de ce premier livre, j'ai essayé de désamorcer les moments graves avec de l'humour.
Avec mon père, nous avons toujours été complices et j'ai même été le batteur de son groupe.
Paradoxalement, ce livre m'a permis de «couper le cordon» et de «prendre mon indépendance».


                            Propos recueillis par Frantz-Minh Raimbourg

(Henri Dès, du fils au père. Editions Favre. 2007).

Comment revoyez-vous vos débuts dans la chanson jeune public ?
 J'ai senti immédiatement qu'il y avait là quelque chose d'évident. J'ai eu des images, j'ai vu dans mes rêves qu'il y avait là un équilibre entre ce que je suis, ce que j'écris et ce qui est reconnu par le public. C'était une vision et à partir de là, je n'ai pas eu peur, j'ai eu le sentiment que quelque chose allait arriver. Le chemin s'est fait tranquillement et j'ai trouvé le bon équilibre entre mes vies professionnelle et privée.
Vous avez fait les bonnes rencontres au bon moment ?
J'ai eu de la chance, mais j'ai aussi acquis une confiance qui m'a permis et me permet encore de juger assez facilement et sans à priori les gens que je rencontre.
De quelle façon écrivez-vous vos chansons ?
En toute modestie, j’ai pour moi d'avoir une bonne mémoire qui m'aide à ne pas me répéter. Quand j'écris, je sais rapidement si le sujet abordé ou la tournure musicale n'est pas trop proche de ce que j'ai déjà réalisé. En ce qui concerne plus précisément les musiques, il y a le rythme, l'atmosphère qui se dégage. Les paroles viennent ensuite assez rapidement. Après, sur le disque, il faut éviter que deux chansons se ressemblent trop. Cette façon de faire, je l'ai appris quand je travaillais dans une radio, quand je devais enchaîner des programmes de chansons Je suis ma première oreille.
La chanson ne sortira pas de mon bureau pour être écoutée si, pour moi, elle ne me paraît pas parfaite. Mais je ne mets pas de pression, les choses viennent tranquillement et plus le temps avance et plus c'est comme ça.
Dans la revue Chorus, vous avez dit que vous écriviez «pour la famille en décrivant cet univers». N'êtes vous pas finalement aussi un chanteur pour parents ?                    
Evidemment. Quand j'écris, je tiens compte de ma sensibilité d'adulte. Il y a deux choses : mes souvenirs de ma propre enfance et le regard que j'ai en tant que père et maintenant grand-père sur mes enfants et petits-enfants que je vois évoluer. Si ce que j'écris me plaît à moi en tant qu'adulte, cela ne devrait pas trop déplaire aux parents qui entendent la chanson.
Dans tous les cas, j'ai toujours fait ce que je voulais sans aucun compromis et je constate avec beaucoup de bonheur que mes chansons font leur chemin et rejoignent le coeur des gens.
Parlez-nous des autres projets que vous avez réalisés (Orchestre Symphonique, disques Les trésors de notre enfance, Tony et le vagabond,...) ?
Ces projets se sont montés après des rencontres, je n'en ai initié aucun. "Les Trésors de notre enfance", c'était une façon de ne pas me faire oublier les années impaires où je ne sortais pas de disques de chansons personnelles (rires) !
Henri Dès.
Et votre travail sur scène ?
Au départ, on n'avait aucun moyen. Je chantais avec la bande-orchestre de mes disques, avec ma guitare, ma salopette rouge et cela marchait très bien. Je chantais dans des cadres scolaires. Petit à petit, j'ai commencé à faire des spectacles pour tous. Grâce à Jean-Michel Boris, j'ai pu faire l'Olympia, je me suis produit dans des salles de plus en plus grosses. On a fait un premier Zénith à Angers. L'évolution s'est faite comme cela. Maintenant je ne peux pas dire jusqu'à quand je ferais de la scène. Pour l'instant je suis en bonne santé et c'est toujours un plaisir. Il est vrai que je garde de plus en plus de temps pour écrire.
Quel est votre regard sur la chanson jeune public d'aujourd'hui ?
Je ressens qu'il y a une envie, un besoin qui existe, bien au delà de la crise du disque et des difficultés économiques. Il m’est arrivé de chanter avec quelques « collègues » artistes comme Alain Schneider, Steve Waring, Geneviève Laloy et d’autres… J’ai eu beaucoup de plaisir à les écouter et à être avec eux.
                               Propos recueillis par Frantz-Minh Raimbourg.
Version actualisée et remaniée de l’article paru dans la revue Récréaction (N°47. Avril 2008)

Publié dans Chanson Francophone

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