Lucilla Galeazzi.

Publié le par Raimbourg Frantz-Minh

Figure de proue de la chanson traditionnelle populaire italienne, Lucilla Galeazzi était de passage à Paris pour la sortie de l’album collectif « Bella Ciao ».
Photo: Elena Somarè.

Photo: Elena Somarè.

Parlez-nous de votre « enfance musicale » !
Je suis née à Terni, ville industrielle d’Ombrie dans le centre de l’Italie, à 100 kilomètres au nord de Rome.
Dans la famille, la musique avait beaucoup d’importance. Mes parents, mes oncles et tantes, tout le monde chantait ou pratiquait un instrument d’une façon amateur. Le répertoire était à l’image de la région, un mélange des cultures ouvrière et paysanne. A 10 kilomètres de la ville, la transmission orale était encore extrêmement présente.
Au moment de mes études universitaires, j’ai commencé à apprendre la guitare, à m’intéresser à différentes formes vocales, notamment au "Canto a Vatoccu", ce chant médiéval profane à deux voix répandu tout au long de la chaîne des Apennins.
Plus tard, alors que j’étais encore enseignante dans une école primaire, j’ai découvert le « Nuovo Canzionere Italiano »*, créé en 1962 à Milan par l’historien Giovanni Bosio (disparu en 1970) et l'ethnomusicologue Roberto Leydi.
Comment avez-vous rencontré Giovanna Marini ?
Je l’avais entendue et rencontrée plusieurs fois par l’intermédiaire du critique musical Sandro Portelli.
En 1977, j’ai intégré sa troupe. Tout s’est passé très rapidement, elle m’a demandée de la rejoindre à Rome après le départ d’une fille du groupe. A partir de ce moment, nous avons fait ensemble des centaines de spectacles et enregistré plusieurs albums.
En 1994, quand je lui ai dit que je partais, elle l’a accepté, elle était triste mais elle savait que c’était le moment. Avec ce quatuor, nous avons sorti de l’oubli un nombre incroyable de chants, de danses comme la tarentelle ou la tammuriata… Cela reste une balise unique dans ma carrière…
Vous collaborez dans le même temps avec d’autres artistes ?
Oui, je n’ai jamais cessé de le faire, que ce soit avec des musiciens issus de la tradition, de la musique contemporaine ou du jazz. Il y a eu entre autres Roberto de Simone à l’Opéra de Naples, l’Ensemble baroque français l'Arpeggiata dirigé par Christina Pluhar, Juan José Mosalini, Juan Cedron, Tomas Gubitsch, Gustavo Beytelmann, Philippe Eidel, Michel Godard et beaucoup d’autres…
En 1987, j’ai créé mon propre groupe « Il Trillo » avec Ambrogio Sparagna et le tambouriniste Carlos Rizzo. Avec ce trio, on a beaucoup composé et tourné ensemble.
En 1994, j’ai commencé à présenter mes propres chansons avec le projet « Cuore di Terra » (en compagnie de Massimo Nardi, Carlo Mariani, Nicola Raffone, Antonio Ramous, Salvatore Zambataro et Massimo Carrano), une démarche que j’ai poursuivi en 2005 avec « Stagioni ».
En 2005, l’Académie Charles Cros en France m’a attribuée un « Coup de Cœur » pour l’ensemble de ma carrière.
Lucilla Galeazzi.
Et le projet « Bella Ciao » ?
Il y a un peu plus de cinquante ans, en 1964, c’était d’abord une fresque de deux heures et demie présenté au "Festival des Deux Mondes" à Spoleto (Province de Pérouse en Ombrie).
Beaucoup d’artistes de ma génération ont été bercés par l’opus qui a suivi et qui contient des chants populaires de tout le pays et de différents styles, collectés sur le terrain pendant plus de dix années. C’est l’album de musique traditionnelle italienne qui s’est le plus vendu dans le monde.
“Bella Ciao” est sans conteste à l’origine du revival folk en Italie et le début d’un immense scandale. Il y a un titre “O Gorizia” qui a été écrit dans les tranchées de 1915-1918 (NDLR: l’Italie rentre en guerre en 1915). Michele L. Straniero l’avait interprétée à Spoleto avec une strophe qui n’était pas incluse dans le livret déposé et qui mettait en cause “Vous les traitres, messieurs les officiers...”. Le public chic et riche n’a évidemment pas apprécié. Il y a eu un procès... Dans le même temps, cela a fait beaucoup de publicité pour un événement qui serait finalement peut-être passé inaperçu.
Cinquante après et à la demande de Franco Fabbri, Ricardo Tesi a repris et réarrangé “Bella Ciao”. Il s’est entouré pour cela de 4 musiciens (Andrea Salvarodi. Guitare, Gigi Biocalti. Percussions, Mirco Capecchi. Contrebasse, Michelle Marini. Clarinette) et des voix d'Elenna Ledda, Ginevra Di Marco, Alessio Lega et moi-même.
Même si la force de ce programme reste intact, les esprits se sont apaisés et le spectacle comme le disque connaissent un véritable et réjouissant succès intergénérationnel.
Quels sont vos autres projets actuels ?
Je sors un nouveau CD (“Festa Italiana”) dédié à deux fêtes laïques très anciennes: le Carnaval et le Mai et je présente une création, seulement en Italie, consacrée aux “ Tranchées des Femmes” avec deux comédiennes et sept chanteuses.
                                            Propos recueillis par Frantz-Minh Raimbourg
 
*Le "Nuovo Canzoniere Italiano" était au départ un groupe d'artistes et de savants liés à la gauche italienne des années soixante et qui a donné naissance à un journal et à un groupe musical. Le but  de ce dernier était de promouvoir une nouvelle musique populaire, synthèse de folk campagnard et de traditions urbaines.
Lucilla Galeazzi.
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